Welcome to the most exciting worldwide experience ever, meuf !

samedi 21 août 2010

Départ de Caro pour la 3A : J-7

Je profite de ce vendredi soir de tranquillité bretonne, à exactement une semaine de mon débarquement en terre américaine, pour brosser le portrait obscur de la pré-troisième année, ce vaste champ de mystères où l'on ère vaguement sans savoir à quelle sauce on va finalement être mangé. Car la 3A, avant d'y avoir plongé, impossible de se la représenter. Et ce n'est pas faute d'avoir été informés. Avant même d'entrer à SciencesPo on nous agitait la carotte de cette fantastique expérience à l'étranger sous le nez comme une opportunité unique à ne pas manquer. Et dès notre rentrée en première année, la préparation de cette troisième année, tournant décisif et incontournable dans notre parcours scolaire, était enclenchée. Il va sans dire que l'intégralité de la deuxième année est davantage dédiée à la perspective de l'année à venir que de celle en train de se dérouler.

Et pourtant, peut-on prétendre se sentir vraiment prêts? Je crois qu'aucun d'entre nous ne s'est réellement figuré sa troisième année autrement que comme une succession d'étapes à franchir, dont l'aboutissement serait l'adieu à la famiglia, la montée dans l'avion, et hasta la vista verra qui vivra. Car la troisième année qu'est-ce, sinon des heures et des heures de rapports de séjours lus, relus, connus par coeur, et encore relus? Sinon une pléiade de réunions d'informations toutes plus inutiles les unes que les autres car la lecture des rapports a déjà fait tout le boulot, l'été a eu le temps d'éclaircir les idées quant aux attentes principales, et le choix essentiel stage/université est (sauf rare exception et brusque changement de position) déjà fait? Sinon un labo de langues avec lequel sympathiser et un test d'anglais à passer? Sinon des semaines d'angoisse à préparer sa lettre de motivation la plus béton et surtout sa liste des six (tellement trop, ou tellement trop peu) universités rêvées, en revoyant encore et encore les meilleures stratégies à adopter, en épiant les décisions du voisin et en ne vivant plus qu'à travers le site de la DAIE?
Et la troisième année qu'est-ce, sinon la découverte des résultats d'affectation et les instants (plus ou moins longs) d'abattement, de déception, de résignation, de surprise, d'intense satisfaction, de bonheur extrême, qui suivent l'examen de cette fameuse liste publiée sans crier gare?

Pour ma part, j'ai presque cru que ça s'arrêtait là. Et qu'une fois la nouvelle digérée, chacun pouvait ramasser ses projections un peu irréelles et laisser le rideau retomber. Mais c'était oublier le marathon des formalités administratives. Et ne pouvant ici parler que de ce que je connais, je ne me permettrais pas de mentionner le super marathon des demandeurs de stage (Dieu bénisse leur sang froid et leur courage à toute épreuve). Recevoir la confirmation officielle d'affectation de son université en courant après les lettres de motivations et les certifications bancaires (qui plus est lorsque l'université en question signe son premier partenariat avec SciencesPo), obtenir un visa pour étudier dans le pays le plus parano de la Terre qui a par ailleurs très bien compris le sens du mot lucratif, recevoir (ou non) une confirmation de logement sur le campus, ainsi que son petit identifiant intranet pour pouvoir enfin rejoindre le réseau facebook de ladite université (essentiel! haha), courir après les médecins pour récolter les derniers vaccins (non vous ne rêvez pas, je pars bien dans le Massachusetts, pas au fin fond de l'Éthiopie), ouvrir des comptes en banques et comprendre quelque chose au "health plan" américain... Et bien tout cela coûte à la fois du temps, de la sérénité, quelques cheveux, et beaucoup d'argent.

Mais même après avoir franchi la ligne d'arrivée, après avoir dit adieu à tous ses petits camarades et parfois même plusieurs fois, après avoir quasiment fini de rayer la liste des choses avant le départ, et après avoir pris conscience que dans sept jours, je serai à Boston, et bien non. La portée de mon imagination reste bloquée à la porte d'embarquement du terminal de Brest, ou éventuellement celui de CDG - vendredi 27 août, 19h10. Au-delà, c'est le vide intersidéral. Car finalement, cette troisième année n'est qu'un gouffre très profond. On ne se tient pas tous au bord du même, mais on sait que pour toute la promo des 2A, la chute sera similaire. Et selon qu'on est plus ou moins sensible au vertige, la perspective du précipice peut aisément modifier et redessiner à regret la nature des affinités avant même d'avoir sauté. Tout comme soulever les doutes tardifs et interrogations existentielles ("mais que vais-je faire là-bas? pourquoi pas Hong-Kong ou Singapour? pourquoi aller manger des hamburgers avec des ordinateurs alors que je pourrais manger du riz dans les métropoles du futur? pourquoi préférer une année de rigueur nécessaire et forcée plutôt que d'éclate totale à voyager?"); preuve irréfutable que l'on commence à basculer de la fictive 3A d'affectation à l'irrémédiable 3A du réel.
Finalement, c'est un gouffre dans lequel nous tombons les uns après les autres sans savoir ce qu'on trouvera à l'atterrissage, à quoi ressemblera la traversée, et encore moins comment s'effectuera l'escalade pour remonter de l'autre côté. La seule certitude, qui devient de plus en plus évidente à mesure que chacun d'entre nous s'y élance, c'est qu'il nous faudra tous sauter. So, enjoy your flight!


Départ pour la "vraie" 3A : J-7.




PS: Je pense que ce message me fera beaucoup rire quand je le relirai d'ici quelques mois. Je m'en réjouis déjà.

4 commentaires:

  1. J'adore ce message, vraiment. Je t'imagine bien crispée sur le clavier en train de le rédiger. En tout cas, c'est vraiment bien que tu évacues tes angoisses comme ça, sur la toile, auprès des 45 millions d'internautes francophones qui constituent notre lectorat.

    RépondreSupprimer
  2. Caro, merci d'avoir mis les mots sur ce que tout le monde (bon moi en tout cas) ressent avant ce grand saut dans le vide. Toute la journée, je me suis dit : dans une semaine à cette heure-là, je serais en transit à Paris, à cette heure-ci je serais dans le transport vers MHC... Pas un jour sans penser : mais pourquoi aller dans le Massachusetts, en Californie il fait tellement plus beau, et si je passais 8 mois à m'ennuyer comme un rat mort, ca serait une année potentiellement exceptionnelle complètement gachée... Que de questionnements, que d'angoisse et une peur chronique de se dire que tous mes choix faussement stratégiques ne mèneront peut-être qu'à une grande déception... ou à une agréable surprise !

    RépondreSupprimer
  3. Le truc c'est que tu te les poses encore une fois arrivee toutes ces questions. Ou alors c'est seulement que je n'ai pas eu le temps de me les poser avant. En tout cas une fois que tu es enfin plongee dans la 3A bien reelle ces fameuses interrogations existencielles prennent une autre dimension nettement plus flippantes car ca y est c'est definitif tu es partie mais ca passe!
    Je suis tellement contente d'etre en vacances pendant un an!

    RépondreSupprimer
  4. "Le mariage est et restera le voyage de découverte le plus important que l'homme puisse entreprendre." Kierkegaard

    RépondreSupprimer